ENFANCE-JEUNESSE 1928-1935
Henry Simon naît le 28 décembre 1910 à Saint-Hilaire-de-Riez où ses parents sont instituteurs publics ; il a deux frères : René, l’aîné et André, le cadet. Son père décède en 1912.

Marie Simon-1930.

1910-Henri Simon père-instituteur.
Influencé par sa mère qui peint lors de ses heures de loisirs, le petit garçon commence à dessiner vers 1918. Ses études primaires achevées, il quitte en 1922 Saint-Hilaire-de-Riez pour le collège Viète de Fontenay-le-Comte. Il est initié au dessin académique par M. Carriat, son professeur et rencontre Roger Allaud, aquarelliste. En 1928, il entre à l’Ecole des beaux-arts de Nantes et suit les cours d’Emile Simon, Alexis Lesage et Patay.
En 1930, il se voit décerner le prix Decré pour sa toile intitulée « Vocation », portrait de son frère André en officier de marine. Le jeune étudiant s’affirme alors déjà comme un excellent portraitiste. Il expose dès cette année aux « Salons yonnais » organisés par le conservateur du musée de La Roche-sur-Yon, grand amateur d’art : Alain-James d’Ayzac, le galiériste Robin et le mécène Charles Borion.
En 1932, il s’installe à Paris dans un atelier de la Cité Falguière et entre à l’Ecole des beaux-arts dans l’atelier de Lucien Simon (1861-1945), l’un des maîtres du Réalisme, peintre de la vie quotidienne en Bretagne comme Charles Cottet ou Dauchez. Henry Simon a pour compagnon Jacques Despierre, Guily Joffrin et Georges Rohner… Il reçoit la même année le prix Conté destiné aux élèves de l’école.
Le jeune artiste est aidé et encouragé par sa marraine Mme Devigne, épouse de l’écrivain Paul Devigne, amateur d’art et chroniqueur pour Le Phare. Il rencontre Derain et, au Louvre, admire plus particulièrement les Vélasquez et les Le Nain. En marge de l’Ecole, il fréquente les ateliers et académies de Troncet, Fougerat (Nantais qui fut professeur à l’Ecole des beaux-arts de Nantes, peintre de la Bretagne), Cannectionni. C’est également en 1932 qu’il participe à son premier Salon d’automne (deux petites maraîchines).
En 1934, il décide de regagner la Vendée aux côtés de sa mère. L’œuvre de Charles Milcendeau qui traduit si bien l’attachement aux racines paysannes exerce alors sur lui une véritable fascination à tel point que les dessins de l’époque et des années qui suivront s’imprègnent de l’œuvre du maître vendéen tant au travers du procédé que des sujets : portraits et scènes de la vie quotidienne du marais. L’influence de Milcendeau (dont l’œuvre se rattache à bien des égards à celle de Lucien Simon dans un mouvement que l’on a désigné sous le vocable de « Bande noire ») est prépondérante tandis que le fauvisme, courant né parmi les condisciples de Milcendeau, élèves de Gustave Moreau, va également imprégner au fil des années son œuvre. Henry Simon n’est en effet pas indifférent à Matisse, Dufy ou bien encore à Albert Marquet, ami de Jean Launois.
C’est enfin également à son retour en Vendée qu’Henry Simon se convertit au catholicisme et est baptisé à Sainte-Anne de La Tranche par Mgr Braud.
L’année suivante, James d’Ayzac le présente à Jean Launois.
LE GROUPE DE SAINT-JEAN-DE-MONTS
La rencontre avec Jean Launois (1898-1942) est capitale. Ce dernier vient voir les dessins du jeune artiste dans son atelier, il l’encourage et accepte de lui prodiguer ses conseils. Il l’emmène dans les bals maraîchins, dans les foires à la recherche du pittoresque, de l’instantané et du mouvement, du grouillement de la foule.
Ce contact avec Launois constitue une étape primordiale dans l’œuvre de l’artiste. Aux portraits académiques ou dessinés à la manière de Charles Milcendeau (1872-1919) au travers des personnages statiques, hiératiques, succèdent les notes hâtives à la gouache où le mouvement est exprimé par une touche vibrante. L’artiste alors se libère.
Ainsi, il s’intègre au « Groupe de Saint-Jean-de-Monts » avec Jean Launois comme chef de file.
Saint-Jean-de-Monts (et ses environs, Noirmoutier, île d’Yeu, Saint-Gilles-Croix-de-Vie) a favorisé le rassemblement d’un grand nombre d’artistes que l’on désigne communément sous le terme d’école ou de « Groupe de Saint-Jean-de-Monts ».
Encore faut-il préciser que le groupe a accueilli deux générations d’artistes. La première se situe à partir de 1892 et jusqu’aux alentours de la guerre de 14-18. 1892 constitue la véritable date de naissance du mouvement avec l’arrivée à Saint-Jean d’Auguste Lepère, le premier à construire une villa et une bourrine dans les pins. La même année, Charles Milcendeau entre dans l’atelier de Gustave Moreau à Paris mais passe chaque été dans sa Vendée natale. Avec Lepère et Milcendeau, des artistes tels qu’Evenepoël, Bruckmann, Rouault, Beltrand, Noël ou encore Laboureur séjournent au pays des Monts, tous attirés à la fois par la lumière particulière du pays mais surtout par le pittoresque de ses habitants.
La seconde génération s’affirme dans les années 30 avec des artistes qui vouent une certaine vénération à Milcendeau. La station balnéaire qui connaît un développement dispose de deux hôtels : l’Hôtel Guériteau en bordure de plage, l’Hôtel Lainé sur la place de l’Eglise.
Parmi les artistes qui les fréquentent : Fraye, Levrel, Pierre-Eugène Clairin, Mane-Katz, Nassivet, Edmond Bertreux, Pierre Bertrand, Chambret, Pierre Bordeaux, les frères Martel…
Il ne s’agit pas à véritablement parler d’école mais d’un rassemblement d’artistes attirés par un même lieu. Le terme d’école fut utilisé la première fois par Valentin Roussière. A ce mouvement pictural s’ajoute un courant littéraire à travers les œuvres de Jean Yole, de Marc Elder, de René Bazin, de Ferdinand Duviard, Marcel Douillard qui traduisent le même attachement au peuple maraîchin. Henry Simon vit alors avec sa mère à la villa Krüger située sur le quai de la République à Croix-de-Vie où il possède son atelier et une galerie d’exposition.
Henry Simon découvre avec Launois la gouache. Il fréquente surtout la pension Lainé et dessine avec son ami jusque tard dans la nuit les commis-voyageurs. Armand Lainé fait office de mécène. Il s’intéresse avec lui aux personnages, aux foules plus qu’aux paysages.En 1937, il réalise avec Launois pour l’Exposition internationale de Paris une fresque de 36 m2 pour le pavillon du Poitou ayant pour thème les travaux des champs. Armand Lainé leur procure un local et des modèles.
LA GUERRE 39-45 ET LA CAPTIVITE
Henry Simon est mobilisé en 1939 puis est fait prisonnier à Dunkerque en 1940. Il est transféré en Prusse orientale au Stalag I B et y passe un an. Il y fait connaissance du graveur Charles-Emile Pinson (prix de Rome de gravure, qui exécute son portrait). Le jeune peintre avec le matériel précaire dont il dispose retrace d’une manière émouvante à l’aide de la mine de plomb et d’aquarelles la vie du camp. On y retrouve ces personnages statiques à la « Milcendeau » dessinés à la mine de plomb avec un trait tout en finesse s’attachant à traduire l’homme et sa vie intérieure où la psychologie se dégage par la suspension du geste et la force du regard. Ce sont aussi des gouaches et des lavis d’une grande virtuosité saisissant le sujet sur le vif à la manière de Jean Launois. Les Allemands procurent aux artistes du matériel et une baraque pour dessiner et peindre (Charles-Emile Pinson et quelques autres). De nombreuses œuvres sont censurées.
Au retour de la guerre, un groupe de 20 dessins sauvés de la censure ont été regroupés dans un album ayant pour titre Compagnons de silence, textes écrits par son frère André Simon (également prisonnier). Il devait être édité par l’Association nationale des prisonniers de guerre mais faute de moyens, l’album ne peut paraître. Il le sera en 2005.
Henry Simon rentre de captivité en 1941, fait une exposition à Nantes puis il rencontre l’acteur Georges Adet, créateur de la Compagnie Vendéenne de théâtre et fait partie de sa troupe. Il joue en Vendée et à Paris. Il participe également au Salon d’Automne et est nommé sociétaire. La même année, il réalise une exposition personnelle chez Mignon-Massart.
En 1942, il réalise une autre exposition à la galerie « Le Phare » à La Roche-sur-Yon, participe régulièrement au Salon d’Automne et à la SVA de Fontenay-le-Comte.
En 1943, la galerie « Le Phare » lui ouvre à nouveau ses portes ; il participe également à une exposition de groupe sur le thème du « Retour de captivité » au musée Galiéra de Paris suscitée par Charles-Emile Pinson.
En 1944, il réalise une huile sur toile ayant pour thème le « don de l’ostensoir du roi Louis XIII à la paroisse » pour l’église de Saint-Hilaire-de-Riez.
En 1945, il produit quatre grandes fresques murales pour l’église Notre-Dame-du-Bon-Port de Croix-de-Vie.
Cette époque est surtout caractérisée par les huiles de grand format destinées à la décoration d’édifices publics (scènes religieuses ou paysannes).
Les Années 50.
En 1950, le 7 septembre, Henry Simon épouse Monique Porteau de Croix-de-Vie.
Ils auront huit enfants. Le couple séjourne, dès son mariage, trois semaines à Kouba en Algérie, invité par un ami de la famille. Ce séjour constitue un tournant décisif dans l’œuvre d’Henry Simon. Saisi par la lumière du pays, par le pittoresque de ses habitants, il travaille sans relâche produisant une impressionnante série de gouaches aux couleurs vives et pures où les analogies avec l’œuvre de Matisse apparaissent évidentes. Il suit ainsi par ce court épisode orientaliste l’itinéraire de nombreux artistes du groupe de Saint-Jean-de-Monts qui furent pensionnaires de la villa Abd El Tif (tels Jean Launois, Clairin ou bien Levrel).
De retour en Vendée, Henry Simon traverse pendant près de dix ans, une période profondément marquée par l’escapade algérienne.
Aux portraits réalistes, aux solides compositions des scènes de genre d’avant-guerre, succèdent des œuvres d’une facture libérée de toute entrave académique où la couleur prend le pas sur le trait. L’influence du fauvisme y est très nette, caractérisée par la distorsion des volumes, les aplats de couleurs pures et chaudes et pleines de contrastes avec le refus du ton local, le traitement particulier des perspectives. Tout en restant attaché au lexique des thèmes vendéens : bourrines, marchés, portraits, Henry Simon y apporte une touche très personnelle. L’attachement à la terre natale apparaît également par la juxtaposition du thème et d’une symbolique vendéenne ; en témoignent les vierges à la bourrine ou à la « quichenotte ». Ce sont également des œuvres parfois « japonisantes » rappelant le travail de la xylographie.
Les années 50 sont également marquées par plusieurs travaux de décoration liés à l’essor des stations balnéaires de la côte : casino des Sables-d’Olonne, casino de la Pastourelle à Saint-Jean-de-Monts, théâtres, cinémas, syndicats d’initiative.
Ces commandes lui permettent par de grandes compositions d’évoquer le folklore maraîchin. Parmi ces travaux, une place spéciale est à réserver aux panneaux du casino des Sables, traités à l’antique et caractérisés par un traitement monochrome (sépia, ocre-rouge) et un graphisme stylisé aux contours cernés de blanc.
C’est également en 1954 qu’Henry Simon fait construire à Croix-de-Vie une bourrine qui lui sert d’atelier et de galerie. Les « Rimajures » (du patois maraîchin : ramages ou dessins) constituent une référence supplémentaire à l’attachement aux racines exprimé déjà par Milcendeau ou bien Lepère.
Parallèlement à cette production, il s’adonne à l’art de la céramique et travaille au début des années 50 avec son ami Charles-Emile Pinson, dans l’atelier « mer et feu » à Croix-de-Vie.
Puis il équipe sa bourrine d’un four ; son épouse l’assiste dans ses travaux. Il travaille également avec les sociétés Boutin de Saint-Gilles et MBFA de Pornic, l’actuelle Faïencerie de Pornic.
Les Années 60.
A partir de cette époque, Henry Simon travaille sur des thèmes précis : l’eau, la jeunesse, la danse, la musique, les jeux, le peuple de la mer et des marais vendéens et réalise toute une série d’expositions sur ces thèmes : en 1960 galerie Robin, à La Roche-sur-Yon et galerie Doria à Paris sur le thème de l’eau, à la galerie Bourlaouen à Nantes sur celui de la « jeunesse ».
En 1961, les Simon quittent la villa Krüger pour Saint-Hilaire-de-Riez.
Henry Simon rencontre, grâce à François Villatte, l’artiste catalan Emilio Grau-Sala, l’un des maîtres de l’Ecole de Paris ; ce dernier n’est pas sans l’influencer. De même que certaines œuvres rappellent la manière de Dufy au début des années 60. L’allégresse laisse la place à la gravité des débuts.
Henry Simon poursuit alors deux objectifs fondamentaux : le rendu du mouvement et la recherche de la lumière. Sa palette s’enrichit. La couleur prend le pas sur le dessin. Il poursuit son travail de portraitiste en s’attachant à travailler inlassablement sur les mêmes modèles : à la suite des portraits de la jeune comédienne Gaby Triquet et ceux de sa mère qui marquent le début de sa carrière, apparaissent dès 1958 Anne-Marie puis plus tard sa sœur Victoria (Toya) qui symbolisent la « jeunesse », thème de prédilection s’opposant aux vieillards du marais parmi lesquels « Mémé Vairon ». Le monde de l’enfance dans lequel il a été bercé depuis son plus jeune âge l’intéresse toujours, ce sont les membres de sa propre famille qui lui offrent la possibilité de s’exprimer.

00193 – GABY TRIQUET A LA POUPÉE
En 1968, il expose au Salon des « Peintres témoins de leur temps ». Il exécute sa toile intitulée « Mon huitième enfant » symbolisant l’attachement qu’il porte à sa famille nombreuse.
Plusieurs thèmes retiennent l’attention de l’artiste : la peinture religieuse, les portraits de jeunes filles, parfois dénudées, les foires, la danse (ballerines) et la musique au travers du jazz. L’attachement au milieu marin se traduit par la production de nombreuses natures mortes (crustacés) et des scènes de baignades.
La palette s’enrichit et est dominée par les bleus-verts, les jaunes, oranges et rouges, par une fragmentation des touches faites par grands aplats puis par tachisme avec une tendance à l’enfouissement, à la dissimulation du sujet, aux frontières de l’abstraction. C’est en effet durant cette période qu’Henry Simon se sent tenté par l’abandon du figuratif. La série des villages engloutis en est l’expression autant que le Christ-aux-Rameaux de Croix-de-Vie mais l’artiste, malgré quelques tentatives, ne franchira pas le pas.
Les Années 70.
Les vingt dernières années d’Henry Simon sont essentiellement vendéennes. L’artiste, père de huit enfants, trouve définitivement refuge dans son pays natal et voyage peu. Il s’isole volontairement des grands courants parisiens. Reconnu comme l’artiste « officiel » de la Vendée, il s’adonne de plus en plus aux travaux de décoration dans les édifices publics : fresques dans plusieurs écoles de Rezé-lès-Nantes et à la piscine intercommunale de la Soudinière à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, toile à l’école maternelle de Chantonnay, etc. Il accomplit d’incessants retours aux sujets anciens. Une certaine joie de vivre transparaît tout au long de son œuvre.
S’il travaille toujours d’après nature en remplissant de notes ses carnets de croquis, il se tourne cependant de plus en plus vers un travail en atelier et l’exécution de grandes compositions effectuées souvent sur commande. Sa palette s’apaise, le trait réapparaît tandis qu’il s’attache à la recherche de la lumière. Celle-ci inonde souvent les grandes compositions des marchés ou des scènes de pêche. Dans ses portraits de vieillards, d’enfants ou de jeunes filles, il s’attarde sur le geste et les attitudes saisies sur le vif tandis qu’il poursuit inlassablement sa recherche du mouvement. Ainsi, il aime les gesticulations des enfants, les éclaboussures des jeux d’eaux, les courses hippiques, la danse, le cirque…
En 1971, le musée des Sables-d’Olonne lui consacre une grande rétrospective. Il est nommé chevalier des Arts et des Lettres en 1976 et reçoit le prix Charles Milcendeau en 1978. Il participe régulièrement aux expositions de groupe des « Douze amis de la Côte de Lumière » au Palais des congrès de Saint-Jean-de-Monts, où se tient sa seconde rétrospective en 1978.
De 1980 à 1982, il réalise sur la demande du sénateur Louis Caiveau, maire de Saint-Hilaire-de-Riez, une série de six grandes toiles pour l’Eglise.
Henry Simon décède le 27 février 1987 auprès des siens.
La mer est l’un des thèmes de prédilection du peintre Henry Simon (1910-1987). Photos de famille, croquis, citations de l’artiste et témoignages de proches et d’admirateurs accompagnent les œuvres reproduites. Il obtint le prix Decré en 1930, le prix Milcendeau en 1978, et fut nommé chevalier de l’ordre des arts et lettres en 1976.
Textes de Jocelyne Fortin, Jacques Lepert, Annette Roux et Henry Simon.

La mer par Jacques Lepers